lundi 12 septembre 2022


  L’INVASION DE LA GAULE PAR LES SARRASINS (711-759) 

En 711, une armée d’environ 7000 Berbères et Arabes sous commandement du stratège militaire berbère Tariq ibn Ziyad au service de la dynastie des Omeyyades de Damas, débarque sur la péninsule ibérique près du mont Djebel Tarik (Gibraltar). L'Hispanie, qui est le royaume des Wisigoths depuis 418, devient Al Andalus : à partir de 756, l'émirat autonome de Cordoue se constitue autour du prince omeyyade Abd al-Rahman Ier.


Tariq ayant établi une tête de pont dans le sud, Moussa Ibn Noçaïr, wali et général sous le calife omeyyade Al-Walīd Ier, débarque en Espagne la même année, avec une nouvelle armée de 10 000 à 18 000 hommes, d'origine arabe et syrienne.

Les Omeyyades, ou Umayyades, sont une dynastie arabe originaire de la même tribu que le prophète Mahomet et qui gouverne le monde musulman de 661 à 750 puis al-Andalus de 756 à 1031. Ce sont eux qui ont incorporé l'Afrique du Nord au monde musulman. Mais ils traitaient mal les non arabes, particulièrement les Berbères, ce qui provoque en 740 la Grande révolte berbère au Maghreb.

Les dénommés Berbères, qui eux-mêmes s’appellent Imazighen, hommes libres, hommes nobles, sont un groupe ethnique autochtone d'Afrique du Nord, peu connu chez nous, bien que déjà Hérodote parle d’eux dans ses « Histoires » (500 ANE).

À partir de 1056, les Berbères vont gouverner le Maroc pour longtemps.

Du fait de leur excellente réputation comme guerriers les Omeyyades ont demandé aux Berbères de fournir 12000 combattants pour la conquête de l'Andalousie.


Les chroniques de cette époque appellent ces intrus « Sarrasins » ; en grec Sarakênoi qui désigne « ceux vivant sous la tente », les bédouins nomades.

Après avoir battu les Wisigoths à la bataille du rio Guadalete, les Sarrasins sous commandement de Tariq ibn Ziyad réduisent en quelques années le royaume wisigoth, en proie à des luttes claniques liées au caractère électif de la monarchie ; seul la province Gallia, ou Provincia Galliae, qu’on appelait plus tard Septimanie, reste encore wisigoth.

À partir de 719, les Sarrasins se lancent à traverser les Pyrénées orientales ; ils entrent en territoire aquitain et en Septimanie. Cette intrusion fait partie de ce qu’on appelle l'Invasion omeyyade de la Gaule. La campagne est d’abord couronnée de succès avec la prise de Narbonne par l'Émir al-Samh.


Mais en 721, le duc Eudes d'Aquitaine et de Vasconie (voire Gascons), allié pour la première fois aux Francs, est vainqueur des Sarrasins à la bataille de Toulouse, alors sa capitale ; y périt un grand nombre d'illustres Sarrasins.toulouse eudes

L'année 732 voit initialement une défaite du duc mais les Sarrasins sont finalement arrêtés à la bataille de Poitiers en 732 par Charles Martel, qui commence la réunion de l’Aquitaine au royaume franc. La Septimanie est reprise par Pépin le Bref en 759 et les Sarrasins se replient vers la péninsule ibérique.

Cependant, en 725, le général et nouveau Wali (Gouverneur) d’Al-Andalus, Anbasa ibn Suhaym Al-Kalbi, connu sous le nom francisé d'Ambiza, prend Carcassonne, qui doit accepter de donner la moitié de son territoire, de rendre hommage, et de faire une alliance offensive et défensive avec les forces sarrasines en garnison dans la ville.

Carcassonne (en occitan Carcassona) est maintenant appelée Qarqachounah et reste entre leurs mains jusqu’à 745*).

Les premiers contacts, certes brutaux, confortèrent pendant des siècles l'image d'un peuple agressif, alors que les Sarrasins ne purent contrôler la région qu'avec l'appui d'une partie de la population indigène et de la noblesse gothique. Il est clair que la guerre ne fut pas permanente, et les affrontements périodiques n'ont jamais interdit le négoce.

Pour nos ancêtres, ces envahisseurs étaient des ennemis à combattre en tant que tels, non en qualité de musulmans, car ils ne connaissaient guère la religion de ces nouveaux venus. Pour eux, ce sont des hérétiques ou des païens et ça s’arrête là.

Le facteur religieux ne joue pas un rôle essentiel dans les conflits des VIIIe-IXe siècles.

Voilà où en est l’histoire, mais les traces des sarrasins chez nous ne sont pas si facile à reconnaître vu les périodes relativement courtes et bien mouvementées de leur présence.


Près de Carcassonne, sur le plan archéologique, on n’a trouvé que quelques pièces de monnaie en argent (Dirhams) frappée par Abd er-Rahman, l'Émir de Cordoue ; ils témoignent de la présence arabe puis du commerce avec l’Espagne arabe, qui se poursuit pendant tout le Moyen Âge.


Mais dans le donjon sud du château de la Cité, la salle dite ronde, l’ancien cabinet des vicomtes Trencavèl, est décorée par des peintures murales, différents épisodes de narration picturale, dont une interprétée comme exécution du sarrasin Balaac ainsi que des scènes de combat. Les chevaliers coiffés de casques coniques qui se protègent avec des écus sont des chevaliers francs. Leurs adversaires, coiffés d’un turban et qui portent des boucliers ronds ou rondaches sont des chevaliers sarrasins.


Ces fresques évoquent la légende dérivée d’une ou plusieurs chansons de gestes disparues centrées sur le siège de Carcassonne par Charlemagne.

Ce récit affirme que dans ces temps-là, l’empereur Charlemagne assiégeait la ville de Carcassonne, alors aux mains des Sarrasins dirigés par le prince Balaac. Au début du siège, le prince fut capturé. Charlemagne lui proposa de devenir son vassal s’il livrait la ville, mais le Sarrasin refusa et fut alors exécuté. Sa veuve dame Carcas se retrouva à la tête de la ville et s’efforça de la défendre par divers stratagèmes comme par ex. le remplacement des soldats tués sur les remparts par des mannequins en paille. Puis, quand la nourriture vint à manquer, elle sacrifia la dernière truie nourrie avec le dernier sac de blé qu’elle précipita d’une tour. Écrasée au pied du mur, la truie laissait échapper du blé de son ventre. Découragé, Charlemagne leva le siège. Mais dame Carcas sonna du cor pour le rappeler. Au moment où elle ouvrit les portes à l’empereur, une tour s’abaissa par miracle pour le saluer. En hommage à la résistance de la dame, Charlemagne baptisa la ville Carcassonne, jeu de mot évoquant le geste de l’héroïne (Carcas sonne). Il maria dame Carcas à un comte franc auquel il confia la ville. [Résumé Langlois, G. cf. Histoire, Hors-Série N° 56, juillet 2019]


Par les fresques dans leur cabinet, les Trencavèl manifestent leur pouvoir et leur légitimité puisque la légende affirme qu’ils sont issus de ce mariage, mariage d’un noble franc et d’une princesse sarrasine.


*) Année proposée par Marquié, C : cf. : Carcassonne. VIIe siècle : Sarrasins en Septimanie - ladepeche.fr - publié le 03/05/2015. [Il ne cite pas de source. D’autres auteurs se réfèrent à l’année 759, libération générale de la Septimanie]

Article JP Oppinger


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

" Los Ciutadins " Une association, un blog pour la défense de notre patrimoine la Cité.
A vos claviers vos commentaires sont les bienvenus
Merci Anton de Ciutad