jeudi 11 juillet 2024

les wisigoths le royaume de Tolède

 

ci-joint le dernier article de notre ami JP Oppinger

concernant les wisigoths

Le royaume de Tolède (569-711)

Les plus grandes conquêtes militaires des Wisigoths pour le compte des Romains ont lieu en Espagne. En fait ils y mènent tant de campagnes pour Rome et sont à un tel point responsables de sa pacification qu'il n'est nullement surprenant qu'ils s'y installent quand Rome s'effondre et qu'ils sont boutés hors de la Gaule. On ne peut véritablement parler d'un royaume wisigothique en Espagne qu'avec l'arrivée au pouvoir de Léovigilde (569 -586). C’est sous son règne que s’accomplit l’unification territoriale et politique de « l’Hispanie », c’est-à-dire à ce moment-là le Languedoc, l’Espagne et le Portugal actuels. Léovigild choisit Tolède pour capitale et associe ses deux fils au pouvoir afin d’assurer la continuité du royaume nouvellement formé. Il implantait sur la Péninsule une civilisation florissante et originale. L'Espagne wisigothique, où se retrouvent les intellectuels d'Afrique du Nord chassés par les Vandales, les Juifs, les Chrétiens nicéens, les Byzantins puis les Musulmans, connut alors par la fusion progressive des cultures une période de science et de culture brillante ; elle se spécialisa dans les compilations et les florilèges, tout en produisant des oeuvres originales en histoire, en droit et en théologie. Les écoles, qui transmettaient la culture classique, formèrent aussi bien des clercs que des laïcs, et de nombreux actes de vente conservés sur ardoise témoignent de la diffusion de l'écriture dans les communautés rurales. Et encore, les Wisigoths montrèrent une tolérance religieuse tout à fait exceptionnelle pour l’époque ; il semble que le règne wisigoth améliora le statut politique des Juifs par rapport à celui que leur octroyaient les chrétiens romains (le bréviaire d’Alaric leur interdisait seulement tout emploi dans l'armée ou l'administration) ; les persécutions ne commencèrent qu’avec la diffusion du catholicisme suite à la conversion du roi Récarède I° en 589. L’archéologie montre d’ailleurs bien l’unité de la province Gallia / Septimanie avec le royaume aussi après le « déménagement » à Tolède puisque les nombreuses fouilles menées dans les départements des Pyrénées-Orientales, de l’Aude ou de l’Hérault ont montré que ces régions, tant dans le domaine de l’architecture que dans celui des modes vestimentaires ou de l’armement, obéissaient à des modèles tout à fait semblables à ceux que l’on connaissait dans la Péninsule. Qui plus est, après la disparition du roi Wamba en 680, elle demeura étroitement liée au souverain de Tolède comme l’attestent les monnaies frappées à Narbonne au nom des rois Erwige (680-687), Égica (687-702) et Witiza (702-710).

Dans le chapitre « Le royaume de Toulouse » nous avons parlé des particularités des Wisigoths dans la gestion de leur domaine et sans les répéter ici, on peut deviner que celles-ci étaient la clé de leur succès en Espagne, voire même leur contribution à la gloire et à l'ouverture multiculturelle de l'Espagne musulmane des siècles suivants. En 711, les Sarrasins débarquent sur la péninsule ibérique ; ils éradiquent en quelques années complètement le royaume wisigoth en proie à des luttes claniques liées au caractère électif de la monarchie. Seul la province Gallia, la Gothie ou, plus tard Septimanie, reste encore wisigoth.


Mais, à partir de 713, les intrusions des Sarrasins en Gaule ébranlent aussi cette bastion. Et les Francs prennent la relève. La conquête de la Septimanie s’inscrit dans l’expansion franque au sud. Paraissant dans un premier temps comme une alliance avec le duc d’Aquitaine, elle devient rapidement un processus de conquête territoriale qui se renforce avec l’appui de la papauté et de l’aristocratie locale. C’est en 737 qu’ils commencent à assiéger Narbonne, encore une fois en mains sarrasines, qu’ils réussissent enfin à prendre en 759 après 40 ans sous domination arabe. La dernière terre wisigothe est assimilée par le royaume des Francs.

lundi 8 juillet 2024

Les Wisigoths Le Royaume de Toulouse 418 507


Le royaume de Toulouse (418 – 507)

Après ces campagnes militaires en Hispanie, l’empereur romain d’Occident Flavius Honorius accorda aux Wisigoths avec le foedus (traité d'alliance) de 418 ce qu’avait réclamé Alaric Ier avant le sac de Rome, c'est-à-dire des terres cultivables et cela dans la région de l’Aquitaine et de la Gaule narbonnaise. Ce traité concède en réalité le fait que Rome n’avait plus les moyens militaires de gérer des provinces aussi éloignées et qu’elle les abandonne à ceux qui s’y sont installés. L’objectif était aussi de tenir les Wisigoths loin de la Méditerranée et à les garder prêts à intervenir en cas de soulèvements ou d'invasions barbares. Mais à partir de cette position fragile, les Wisigoths construisent un royaume stable, en constante expansion, aux structures complexes et fonctionnelles. Il est remarquable que presque tous leurs expansions en Gaule se faisaient par des moyens diplomatiques ou pacifiques, et non par la force de la conquête. Assez rapidement, le titre de roi ne désigne plus seulement un chef de guerre, mais prend un sens bien plus politique : une notion de pouvoir légitime et de devoir civique. Le royaume wisigoth était politiquement organisé en « monarchie ». Cependant, les rois avaient un pouvoir limité et la position n’était pas héréditaire, mais le roi était choisi parmi les membres de l’aristocratie guerrière. Le roi régnait avec l’administration palatine, « l’Aula Regia », un conseil de hauts fonctionnaires. Les membres de l’aristocratie avaient des pouvoirs fiscaux, militaires et judiciaires sur les membres de la population qui dépendaient directement d’eux. Le successeur de Wallia, Théodoric Ier (418-451), laissa aux magistrats urbains le gouvernement de leurs cités et aux administrateurs romains celui du royaume, monopolisa les fonctions militaires, et entretint des résidences à Toulouse, Bordeaux et Narbonne. Il fut tué lors de la bataille des Champs Catalauniques (près de Châlons en Champagne) en 451, alors qu'il était allié de Rome pour repousser l'invasion d'Attila-le- Hun. Le commandement des Wisigoths revint alors à son fils Théodoric II (453-466). Celui ci fut assassiné par son frère Euric (466-484) qui conquiert le centre de la Gaule (469- 470), l'Auvergne (475), la Provence et une partie de l'Espagne (vers 476), parvenant ainsi à une indépendance de fait vis-à-vis de l’Empire romain, puis de droit en 476. Cependant, les Wisigoths n’étaient pas seuls en Gaule. Et leurs ambitions pouvaient se heurter à la fois aux Burgondes et aussi aux Ostrogoths. Les Burgondes, parfois en conflit avec les Wisigoths, étaient installés depuis leur foedus de 456 en Gaule, cela en profitant également de la faiblesse de l’Empire et, pour l’occasion, d’une alliance avec les Wisigoths ; ils vont pouvoir s’étendre dans la vallée du Rhône. Quant aux Ostrogoths, cousins des Wisigoths, la constitution de leur royaume d’Italie est plus tardive, en 488, avec à sa tête Théodoric le Grand. On comprend donc assez bien qu’il se présente un trio de royaumes directement héritiers de l’Empire et de la romanité : Wisigoths, Burgondes et Ostrogoths. Euric, le second grand roi des Wisigoths, unifia les diverses factions et, en 475, força les Romains à leur accorder l’indépendance complète (empereur Flavius Iulius Nepos Augustus, 430-480). L’Empire Romain d’Occident disparaît en 476 et Euric commença à légiférer et ce avec l’aide des aristocrates romains présents dans le sud de la Gaule. Ceuxci acceptaient les postes dans l’administration. Tel Léon de Narbonne, conseiller Gallo- Romain catholique, rhéteur de formation classique, avec lequel il rédigea le Code d’Euric, à la fois recueil de droit romain et de droit « barbare ». Le royaume de Toulouse a atteint sa stabilité en s'inspirant de Rome. Les décisions importantes sont discutées devant le sénat wisigothique. Les lois sont basées sur celles des Romains et écrites en latin. Lorsque Euric meurt en 484, laissant sur le trône son fils Alaric II (484-507), le rayonnement et la puissance wisigothique sont considérables. À son apogée territoriale, le royaume wisigothique s'étend de la Loire à Gibraltar et du golfe de Gascogne aux Alpes du Sud (environ 10 millions d’habitants). Les Gallo-Romains acceptent bien l'occupation wisigothique, la cohabitation était plutôt positive. De nombreux Gallo-Romains sont présents à la cour des rois gothiques, certains Latins apprennent même la langue gothique. Partout dans les territoires contrôlés par les Wisigoths, l’administration romaine fut laissée en place, ce qui permit donc de mieux structurer ces territoires ; et de plus, pour mieux contrôler cette administration, Euric recruta à la fois dans l’aristocratie romaine et gothique pour travailler avec cette élite locale autour d'un objectif commun : la prospérité de l'Aquitaine. Le gouvernement wisigoth réinvestit et prend en mains le maintien des infrastructures de son royaume et le développement de ses cités. Les Wisigoths étaient pragmatiques et dynamiques, ils n'ont pas cherché à imiter les Romains mais plutôt à puiser chez eux de bonnes bases pour y construire leurs propres versions des structures gouvernementales, fiscales, juridiques et sociales pour leur royaume. Ils ont conservé une identité wisigothique forte tout en acceptant de faire une place aux Romains et à la culture romaine dans l'Administration de leur royaume. Cette approche ainsi que leurs bonnes relations avec les Gallo-Romain la rareté des sources archéologiques nous empêchent de donner plus de précisions quant à cette période. À cette époque, Clovis Ier des Francs et fondateur de la dynastie mérovingienne (509-511) épousa le Christianisme nicéen et chercha à chasser les Wisigoths ariens de la région. Sous la poussée des Francs, les Wisigoths perdirent finalement du terrain, à commencer par l’Aquitaine. Dans une rude bataille vers 507, Clovis aurait tué de ses propres mains le roi wisigoth Alaric II « le Jeune » (ce combat a eu lieu d’après Grégoire de Tours à Vouillé, mais près de Carcassonne d’après Procope de Césarée, voir La Guerre contre les Goths, chapitre XII 3 ; face à l’absence de la moindre preuve, à qui faut-il se fier, au « Saint » qui a « réécrit » l’histoire de la Francie avec, comme dessin, la légitimation des rois francs ou à l’historien byzantin, « rapporteur des scandales » de la cour de Constantinople ?). Quoi qu’il en soit, la campagne fut ainsi perdue pour les Wisigoths, entraînant la perte de Toulouse. Carcassonne, en revanche, résista jusqu’à l’arrivée d’une armée de secours des Ostrogoths, qui dégagèrent la région et sauvèrent leurs frères wisigoths de l’extermination. Clovis occupa le royaume de Toulouse tandis que les Wisigoths se repliaient au sud des Pyrénées, conservant au nord que la province Gallia ou Provincia Galliae, qu’on appelait plus tard Septimanie. Image : W comme Wisigoths - aujols-Laffont (blog4ever.com)


SOURCES :

- Wisigoths ou Visigoths Goths de l’Ouest ou Goths sages primitivement appelés Tervinges

- LAROUSSE

- Wisigoths - Encyclopédie de l'Histoire du Monde (worldhistory.org)

- Les Wisigoths et leur royaume dans la région | Dossier (futura-sciences.com)

- AUCLAIR M. : Les Wisigoths du royaume de Toulouse au Ve siècle : des barbares pas

comme les autres ? Mémoire - Université du Québec à Montréal 2013

- Rouche M. : « Wisigoths et Francs en Aquitaine, état de la question et perspective » in :

Mémoires de l'Association française d'archéologie mérovingienne 1991 3 pp. 143-148

- RUQUOI Adeline : « Les Wisigoths en Espagne : Splendeur et décadence » in L’Histoire

mensuel 203, octobre 1996

- Procope : Histoire de la guerre contre les Goths : livre premier (bilingue) (remacle.or