L’enceinte gallo-romaine de la Cité
Au
début de notre ère, sous le règne d’Auguste, petit-neveu et fils adoptif de
Jules César, Carcassonne devint le chef-lieu de la nouvelle colonie « Julia
Carcaso ». En réponse à la menace par la migration des Barbares, on décida à un
moment de fortifier ce centre administratif. À la tête de la construction se
trouve un « commandant des camps » (praefectus
castrorum) avec le grade d’un général. Il était responsable de l’établissement
du camp, particulièrement de l’évaluation des remparts et des fossés. Il fut
secondé par un officier spécialisé dans le génie : le « praefectus
fabrorum », le chef des artisans, qui avait
sous sa coupe les maçons, les ingénieurs, les charpentiers ou encore les
artificiers.
La
grande majorité des soldats n’était pas spécialisé dans un métier quelconque ;
ils ne devaient leur savoir-faire qu’à l’exercice et qu’à leur encadrement par
les soldats-artisans mais ils excellaient dans la construction
d’infrastructures liées à l’armée, comme nous pouvons encore le constater de
nos jours (Le mur entre la tour du Moulin du Connétable et la tour de la Chapelle
nous donne encore une bonne idée de l’architecture militaire romaine).
Et avant
la construction de l’enceinte elle-même, d’importants remaniements furent
exécutés sur le site actuel de la Cité. Le plateau incliné qui lui sert
d’assise fut alors consolidé et élargi par des nivellements et des remblais qui
pouvaient atteindre plusieurs mètres de hauteur.
Cette enceinte antique suivit en gros le
tracé de l’enceinte intérieure actuelle. On croyait longtemps qu’elle coupait
la pointe sud-ouest sur un léger arc allant de la tour de l’Évêque à la tour st.
Nazaire, mais en 1935 on a découvert les vestiges d’une tour gallo-romaine dans
les lices, au pied du Grand Burlas. Lors de la construction de l’enceinte
extérieure au XIII° siècle, cette tour gênait la libre circulation dans les
lices et les franchimands l’éliminaient
en la faisant tomber par terre ou elle s’écrasait contre le Grand Burlas. De
construction solide, elle restait presque intacte et on se bornait à la couvrir
de terre, dégageant ainsi la voie.
Il y a encore la souche d’une autre tour romaine
(après découverte vite réenfouit
au ras le sol) à côté de la tour Cahuzac qui confirme que
cette enceinte s’avançait dans ce secteur jusqu’au tracé du rempart extérieur
actuel.
L’enceinte comportait un peu plus de 1200
mètres de remparts avec un certain nombre d’entrées et une trentaine de tours,
situées à des intervalles plus ou moins réguliers. La hauteur du mur est de 7 m
en moyenne, l’épaisseur de 3m20 Les fondations fort larges mais peu profondes (1 à 2 mètres) sont faites de 2 ou 3
assises de gros blocs de pierre, complétées d’une épaisse couche de mortier
très dur.
Sur une base cubique, les
tours se présentent sur un plan en forme de fer à cheval, semi-circulaires vers
l’extérieur et plates vers l’intérieur (à part la tour Pinte). Cette forme offre
une bonne résistance au bélier et autorise des angles de tirs multiples. Le
premier niveau, le « fût », est construit en maçonnerie
pleine jusqu’au chemin de ronde servant de contrefort à la muraille, d’où
l’autre appellation « corps
plein ».
Au-dessus suit le « corps
creux » avec les salles de défense, séparées par des planchers. Au
deuxième niveau, trois larges fenêtres en plein cintre permettaient le
lancement du pilum (sorte de grand javelot) ou le maniement de la
fronde.
Par contre on ne trouve pas de trace d’archères puisque l’arc ne
rentrait pas encore dans la dotation de l’armée romaine. Pour les Romains de
l’époque, l’archer ne faisait pas partie de ceux que l’on pourrait nommer les
« guerriers honnêtes » ; le guerrier par excellence était
personnifié par le légionnaire ; et comment cette valeur conceptuelle ne
nous ferait pas penser à celle attribuée initialement à l’arbalète du Moyen
Âge, arme indigne du combattant noble ?
La disposition du troisième niveau est incertaine suite aux multiples
modifications réalisées dans la suite.
La hauteur primitive des tours était de 12 à 14m environ. L’épaisseur
du mur va de 1 m à 0,50 m de pied en cap. L’efficacité des armes de jet étant
limitée, l’espacement entre les tours comptait généralement moins de 30 mètres.
Ce rempart gallo-romain de Carcassonne
possède des particularités qui sont intéressantes :
Presque toutes les enceintes
romaines de la Gaule ne se composent généralement que d’un revêtement de
pierre renfermant un blocage (en latin 0opus caementicium ; on
construisait les deux parois du mur et on remplissait l’interstice de blocs de
pierres gros ou menus jetés pêle-mêle dans un bain de mortier). À Carcassonne,
la constitution d’un noyau interne a invariablement précédé
l’élévation des plans de parois. Du temps de Joseph Poux, la muraille
était encore largement écorchée à certains endroits (aujourd’hui rénovée) et
c’est ainsi qu’il peut nous apprendre que « Ce noyau est composé de
pierres et de mortier en couches alternatives ; il a été agrégé élément
par élément, le maçon enfonçant chaque pierre dans la masse plastique et
façonnant à la main le mélange pour réaliser un tout homogène ».
Ailleurs, une telle procédure n’a pas été observée que dans le rempart de
Senlis.
Une autre particularité
concerne l’emploi des briques rouges dans la muraille :
Le briquetage ne pénètre
jamais dans le massif de remplissage ; il s’agit donc seulement d’un
accessoire du parement façonné uniquement pour conserver le niveau dans les
assises de revêtement.
À part de rares assemblages,
comme le bandeau d’opus spicatum (appareil en
épis) de st. Sernin et les demi-lunes
de la Marquière, nous trouvons des cordons de briques en haut des courtines,
qui se prolongent et multiplient sur l’arrondi des tours mais c’est la position
nettement asymétrique de la plupart des combinaisons frustes dans les murs qui
nous surprend.
Conclusions :
La défense reposa alors sur deux principes :
- briser les assauts grâce à la solidité des murailles et des tours d’une
part (passif) et
- infliger des pertes à l’ennemi grâce au tir vertical du sommet de
celles-ci et depuis les tours d’autre part (actif).
Étant donné le vaste périmètre
de l’enceinte gallo-romaine, env. 1200 m de circonférence, il est clair que la
construction ait durée un certain temps. Son existence est attestée en 333. Les
rares indices archéologiques existants laissent cependant supposer que
certaines parties, au moins, sont antérieures au début du IV° siècle ; la
fortification de la Cité a certainement été entreprise à une époque où la
pression provoquée par la « migration des Barbares » n’était pas trop
forte mais assez menaçante pour rechercher la stabilité des remparts par un exceptionnel
noyau en maçonnerie et en renonçant à une richesse ornementale de briquetage
comme on les trouve p.ex. dans l’enceinte du Mans, construite à la même époque
(mais par contre avec un simple blocage intérieur).
Sources :
- POUX J. « La Cité de Carcassonne, Les
origines », Privat 1922, p.144-166
- BRUAND Y. « Chronologie et tracé de l'enceinte
"wisigothique" de la cité de C. » dans "Mémoires et
documents publiés par la Société de l'École de Chartres DROZ 1982
"Mélanges d'archéologie et d'histoire médiévales en honneur du doyen
Michel de Boüard" Droz 1982, pp 27-37
- MOT G.J. « L’enclos capitulaire de st. Nazaire
de Carcassonne » dans Mémoires de la Société des Arts et des Sciences de
Carcassonne, années 1947-1948 3° série tome VIII
Texte de JP Oppinger
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