dimanche 30 mai 2021

Le siège de Carcassonne (suite) 1209

 

Les Croisés francimans (d’après des estimations récentes probablement près de cinquante mille hommes) arrivent devant Carcassonne le samedi le 1° août, vers 15h00. Ils se sont abondamment ravitaillés dans les villages abandonnés sur leur chemin.

Leurs premiers détachements s’installent des deux côtés de la route venant de Narbonne ; le lendemain, la rangée des camps encercle toute la Ciutat.

 Raimon-Rogièr veut faire tout de suite une sortie avec 400 chevaliers, mais Pèire Rogièr de Cabaret l’en dissuade.

Les croisés sont pressés, 36 jours sont déjà passés depuis le départ de LYON (dimanche, 24 juin) l’host ne compte que 40 et le Duc de Bourgogne pense déjà au retour.

Après diverses reconnaissances des deux faubourgs mentionnés, ils attaquent lundi le 3 août, au matin, le Bourg (dont la muraille et le fossé sont greffés à celle de la Cité du côté nord, près de la tour de Samson d’une part, et près de la porte Narbonnaise d’autre part) qui était moins étendu et moins bien muni que le Castellare.

  


(Source POUX J. 2  p. 53)

Ce front est aussi trop loin pour les archers sur l’enceinte de la Cité elle-même (250m à vol d’oiseau) et permet avec sa faible étendue la formation de colonnes profondes ; on renonce même sur le soutien de catapultes.

 Après un combat bref (2 heures) mais acharné, un corps à corps à la lance et à l’épée, les défenseurs cèdent au nombre supérieur des attaquants. Très vite, les croisés se dirigent vers l’ouest sur toute l’étendue du versant afin de couper les hommes de la Cité de l’Aude et de se rendre maître des points d’eau (nous en connaissons deux : « la font granda » près de la sortie du Castellare par la porte de Razès et la » font celada », la source vive de la porte de Toulouse qui coulait à l’époque à l’air libre au pied du rempart). Face à cette rapidité, les assiégés ne tentent aucune sortie.

 La médiation infructueuse du roi d’Aragon se situe entre le 4 et le 6 août ; elle est accompagnée d’une courte trêve.

 Avant d’attaquer la Ciutat elle-même les croisés se prennent au Castellare (dont la muraille et le fossé sont greffés au mur de la Cité d’une part entre les tours du Plô et du Castéra, d’autre part à la hauteur de l’enclos épiscopal). Cette opération sur le front sud commence le 7 août à l’aube.

 Les croisés procèdent comme le 3 août mais le Castellare est mieux équipé que le Bourg. L’attaque se solde vite par un échec. Ils décident donc d’installer des catapultes sur le versant du coteau situé en face du Castellare, position qui offre une bonne vue sur l’objectif. En effet, ces engins arrivent vite à ébrécher sérieusement le parapet du rempart et les sapeurs y avancent une sape. Le lendemain, un pan de mur s’effondre et, par cette brèche, les cavaliers commencent à pénétrer dans le faubourg. Les défenseurs de la Cité font une brusque sortie et massacrent quelques attaquants.

 Désormais, la Ciutat est encerclé et toute sortie devenue impossible. Sans la foule des réfugiés, Carcassonne aurait pu résister encore longtemps, mais les puits intramuros sont taris par la chaleur excessive de cet été et la situation hygiénique est devenue grave. Côté croisés, c’est Vaux de Cernay, qui nous expose la volonté arrêté des chefs de l’host de ne pas prendre la ville d’assaut, comme celle de Béziers ; il s’agit quand même d’une base militaire importante et des richesses que l’on ne veut plus bruler bêtement …

 La Canso rapporte que, quelques jours plus tard, un chevalier croisé vient demander à parlementer avec Trencavèl. Dans la foulée, le vicomte se rend au camp des croisés. Après les négociations, la reddition de la ville est fixée au 15 août. Trencavèl doit se livrer obtenant en échange que les habitants de la cité gardent la vie sauve. Samedi le 15août, les croisés pénètrent dans la Cité ; ils occupent immédiatement le palais vicomtal, le donjon et les autres tours du logis.

 


Tous les habitants de Carcassonne peuvent quitter la ville en ne portant que leurs seuls vêtements et en abandonnant tous leurs biens, y compris les armes et les chevaux (même les Parfaits, pourtant reconnaissables à leur maigreur, ne sont ni inquiétés ni appréhendés).

 Mais après la prise de la ville, Arnoult Amalric ne relâche pas son otage ; il la jette en prison, une flagrante transgression de tous les us et coutumes de guerre car l’acte de reddition, telle que le rapporte Guilhèm de Puèglaurenç, prévoit qu’« il reste comme otage jusqu’à l’exécution du traité ». Plusieurs chevaliers s’indignent à voix basse du traitement infâme qui lui est infligé, mais aucun n'ose s'opposer au légat. Trois mois après la reddition, le 10 novembre, Raimon-Rogièr Trencavèl meurt dans son cachot, officiellement d’une dysenterie mais très probablement assassiné sur l’ordre de Simon de Montfort, lequel Arnoult Amalric désigne comme nouveau vicomte.

 Les légendes occitanes font l’éloge de la résistance carcassonaise et beaucoup des historiens postérieurs s’y joignent sans retenue. Guilhèm de Puèglaurenç par contre, tenant pourtant plutôt pour les Albigeois, constate laconiquement que le jeune vicomte, frappé de terreur (terrore concassus), se rendit sans combattre.

Il faut donc choisir une approche rationnelle pour faire la part des choses en analysant les faits :

Investissement des enceintes du Bourg et du Castellar avec occupation de ces faubourgs pendant 13 jours ainsi que quelques escarmouches plus ou moins violentes au moment de l’occupation des bourgs, un modeste essai de sape (intimidation ?) sur la courtine nord, à l’aide d’une seule machine basse et de quelques pionniers mais pas d’assaut de la Ciutat elle-même.

 CASTEL résume la situation comme suit :

« Encerclement de la Cité suivi d’une capitulation due à l’inexpérience d’un jeune chef (terrorisé par le nombre des croisés et la situation hygiénique dans la Cité) abandonnant ses troupes pour aller implorer la clémence d’un vieux renard, le Légat, qui en profite pour l’escamoter à la façon d’un prestidigitateur ».

 Quoi qu’il en soit, la prise du château et de l’enceinte fortifiée sans combat est établie par les textes latins de l’époque : dur, dur pour le cœur occitan !

 article JP Oppinger

SOURCES :

 - Historia Albigensis (1218) de Pierre des Vaux de Cernay ou Pierre de Vaulx-Cernay, Moine de l'abbaye cistercienne des Vaux-de-Cernay, il est le neveu de Guy, abbé de ce monastère et évêque de Carcassonne en 1212 (mort après 1248).

- Canso de la crozada de Guillaume de Tudèle (Guilhèm de Tudèla), 1199-1214 (?) chanoine en 1212.

- Chronica Magistri Guillelmi de Podio Laurentii (1145-1275), Guillaume de Puylaurens 1201-1274 (?), curé de Puylaurens.

- POUX, J. : La Cité de Carcassonne, Histoire et description, L’épanouissement t I, pp. 48-65, Privat 1931

- BLANC, J et alii : La Cité de Carcassonne, des Pierres et des hommes, pp.51-54, Grancher 1999

- INSITU-Thèmes : Les Cathares, MSM 2000, p.137

- CASTEL E. : La vérité sur les deux sièges de la Cité au XIII° siècle, SASC III 8 1947-48, pp.158-167

Concernant Béziers il existe un rapport des légats Arnaud Amaury et Milon au pape, écrit quelques semaines après les évènements (ROQUEBERT M. : Béziers, autopsie d’un massacre annoncé). Un tel rapport devrait exister pour Carcassonne également, mais on n’en a pas encore trouvé

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