samedi 27 février 2016

Le premier Gardien de la Cité de Carcassonne



                Dans un ordre du jour du général St Cyr de Nuguès  (9 décembre 1832) on lit que le roi des Belges visitant les tranchées devant Anvers, rencontra le sapeur du génie nommé Ausseil, qui grièvement blessé était emporté en ambulance. Le roi "lui adressa des paroles d'intérêt " et devant " la contenance et le langage qui annonçait une âme ferme et intrépide" il lui remit en main propre la décoration de l'Ordre de Léopold. L'ordre de Léopold est l'ordre militaire le plus important de Belgique.

Photographie de Léopold Verguet Livre l'Arpenteur des nostalgies ( JP Piniès)

Ausseil perdit une jambe lors du siège de la Citadelle d'Anvers (15/11/1832). Il fut le premier sapeur Français de l'armée du nord à recevoir un tel honneur. L'armée du nord, était le corps expéditionnaire envoyé par la France durant la révolution Belge, opposée aux troupes Néerlandaises.

Aussitôt guéri de ses blessures Ausseil revint dans le Midi et fut nommé gardien de la Cité de Carcassonne, où il exerça pendant de nombreuses années


Plus tard le roi Léopold fit représenter par un peintre l'épisode du siège d'Anvers et envoya le tableau à Monsieur Ausseil qui prit un certain plaisir à le montrer aux visiteurs du château.

lundi 22 février 2016

Michel Fouich



Michel nous a quittés vendredi soir 19 février 2016. Tous les "Ciutadins" sont consternés par cette disparition survenue trop tôt, Michel avait tout juste 60 ans. Cet ami, ce copain que nous appelions familièrement "petit pain" était connu pour sa gentillesse et sa bonne humeur.
Son ami Citadin Pierre Adroit a fait un article dans la dépêche du midi que j'ai inséré après quelques photographies de Michel.
Les "Ciutadins" présentent leurs sincères condoléances à toute la famille Fouich, ses parents Jean et Lucette, sa soeur Roseline, ses frères Pascal et Pierre, sa femme Josiane et son fils Jéremy avec son épouse et se deux enfants,




Une partie du Comité des fêtes Saint Nazaire fin des années 60 réuni pour préparer les festivités.
Michel est au premier plan.



Gilbert sert le cassoulet sous le regard amusé de Michel, au préau le lundi, jour du tour de l'âne 1975.76?

2015. Michel devant les magasins à l'emplacement de l'ancienne Boulangerie de ses parents et grands parents.




jeudi 18 février 2016

Pierre Embry et le musée lapidaire




Monsieur Poux archiviste départemental  fait l'historique de la création du musée à la Cité





Après cet exposé la séance est levée à 15 heures et Monsieur Embry invite les deux sociétés à procéder à la visite du Musée Lapidaire.



La plaque de marbre indiquant le musée lapidaire à l'entrée du château Narbonnais est peu visible.


Peu visible et illisible un nettoyage est nécessaire. L’indication  du  musée lapidaire mérite une autre plaque et un peu plus d'attention








mardi 16 février 2016

La Chapelle du tombeau de l'Evêque Radulphe


Il me semble inutile de présenter Jean Blanc, attaché de conservation aux archives départementales, collaborateur de plusieurs ouvrages concernant l'Aude et la Cité.
Un homme de grand savoir et d'une grande simplicité qui forcent au respect.




Issu d'une famille de serf Saint Radulphe s'éleva progressivement dans la hiérarchie catholique pour devenir  Évêque, une ascension peu banale et exceptionnelle au 13ème siècle.
La Chapelle fut construite par l'évêque Radulphe en 1259.
La Chronique des évêques de Carcassonne nous apprend que cette chapelle fut créée pour l'usage de l'infirmerie. Les chanoines qui vivaient sous la règle de Saint Benoit avaient leur cloître, leur dortoir, leur réfectoire, leur salle capitulaire à l'emplacement du théâtre actuel.

Archives Nationales

Après la révolution, l'enclos des chanoines fut détruit et l'emplacement libéré devint plus tard une vigne. Comblée de terre et de gravas à mi-hauteur pour arriver au même niveau que l'église, la Chapelle devint la petite sacristie de la cathédrale avec le percement d'une porte.
En 1839 les fouilles entreprises par Jean Pierre Cros mirent au jour la Chapelle dans son intégralité et le tombeau de Radulphe fut découvert.


Une particularité de la chapelle se trouve à l'arrière de l'autel, il s'agit d'une fontaine (aujourd'hui asséchée) avec un mascaron jetant l'eau dans une petite auge.


Côté droit de l'autel, une vasque creusée dans la pierre en forme de rosace servant à nettoyer divers objets de l'office, là aussi, il semblerait qu'une fontaine coulait à cet endroit?


Côté gauche de l'autel, une cavité fermée d'un porte à clé. A l'intérieur, des encoches creusées dans la pierre pour soutenir une étagère qui servait à ranger les livres de messe et les évangiles de grande valeur.


Côté oriental de la Chapelle se trouve le tombeau de l'évêque  G.Radulphe.
On y voit l'évêque debout dans ses habits pontificaux richement ornés qui repose sur une corniche servant de couvercle à un sarcophage.


Ces parties finement travaillées et décorées, sont particulièrement bien conservées par le fait qu'elles sont restées enfouies pendant très longtemps,
On aperçoit une tête de chien d'un côté et l'autre extrémité de son corps, la queue, de l'autre et un entrelacs de feuilles de différentes formes.



dessous
Trois phrases en latin nous apprennent que G.Radulphe est mort dans l'après midi en 1266.

TITULUS MONUMENTI VENERABILIS PATRIS GUILLELMI RADULPHI DEI GRACIA CARCASONENSIS EPISCOPI QUI PRAESENTEM CAPEL

AM CONSTRUXIT ET IN EA SACERDOTEM INSTITUIT SE DIT AUTEM IN EPISCOPATU ANNIS XI DIEBUS XXV ET DEFICIENS

OBIIT IN SENCTUTE BONA ET MESERICORDIA UBERI ANNO DOMINI MCCLXVI VI FERIA KAL. OCTOB. HORA VESPERTINA

Ci-dessous, au centre, le corps de Radulphe allongé, entouré des chanoines avec son âme portée par deux anges dans le ciel.




samedi 13 février 2016

Vente de la Tour du Trésau





Pierre Embry dans une de ses publications nous raconte une histoire assez curieuse concernant la Tour du Trésau.
La tour fut vendue en 1807 au profit de l'Hôpital de Carcassonne.
La vente fut effectuée le 11 juillet 1807 pour une somme de 200F
J'ai recherché à quoi correspond cette somme de nos jours en euros
sachant qu'en 1803, 1 Franc équivaut à 2 euros 07 centimes.
Nous en déduirons que la Tour du Trésau fut vendue pour "pas grand chose d'aujourd'hui".
Six mois plus tard, le baron Trouvé, Préfet de l'Aude, écrivait au Maire pour demander à l'administration de l'hôpital de suspendre la démolition de la tour.
Treize ans plus tard diverses demandes sont faites auprès du Ministre de la Guerre en attendant une décision du Ministère, les hospices sont priés de surseoir à la démolition.
Quatorze ans plus tard au mois d'avril 1821 le Préfet informe le Maire que le Ministre de la guerre, tout en regrettant la vente, décide que la tour du Trésau devait rester propriété de l'Hôpital qui en conservait donc la libre disposition.
Malgré tout le Préfet demande aux administrateurs de ne pas continuer les travaux de démolition par respect pour cette construction datant du Moyen Age.
Au mois d'Août de la même année, le Préfet annonce que le Ministre de la Guerre désire savoir à quel titre l'hospice est propriétaire de la Tour.
Nouveau temps mort, arrêt des pourparlers et le 29 juin 1825 une ordonnance royale autorise l'Hospice à rétrocéder la somme de 200F au Génie Militaire, l'acte est signé 18 ans après la vente de la Tour.


Pierre Embry ajoute que les réparations qui furent faites à l'Hôpital avec les matériaux de la Tour du Trésau sont les soubassements de l'hôpital général baignant dans la rivière Aude et dont les moellons en bossage ne laissent aucun doute sur la provenance.



jeudi 11 février 2016

Pascal et Marie: Ribaute, la dernière maison

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Ribauta, lo darnièr ostal.

Ribauta, quilhat sus la riva drecha de l’Orbiu, ont los asondaments limòsos aportan una riquesa exceptionala, es un pais plasent. Pascal es plan vist per son novèl emplegaire, un òme annadit que passa pauc a pauc la man a son filh, lo qual es regidor d’una proprietat dins las Pireneas Orientalas. La vida se perseguis. Maria s’en va dins las vinhas, Margarita tanben tot en aprenguen lo mèstier de corduriera.
 Dins lo novèl ramonetage , per dintrar dins la cosina cal traversar una granda pèça, la remèsa, ont lo sol es en terra batuda. Carreta, tombarel, araires i son sarrats e l’estable s’i trapa, çò que fa que la flaira dal chaval se sentis de pertot dins l’ostal. Es pas quicòm de rare, s’i cal faire.
 Cap a la Sant Miquel de 1914, l’ancian mèstre de Pascal arriba un jorn ambe sa femna per decidir Pascal e Maria de s’entornar a Camplong. Solament, la França es en guèrra. Pascal, alara annadit de 52 ans, pòt pas daissar son emplegaire, que lo filh es partit far la guèrra, se desembolhar solet. Demorèron doncas a Ribauta. E per totjorn.
 Un pauc pus tard, la guèrra acabada, lo vielh mèstre vend a son ramonet  qualques  pichòtas  vinhas. Quand Pascal, la seissantana largament passada, pensa a prene sa retirada, li vend un vielh ostal.Lo terrat es fait de teulas pausadas sus de planchas bovetadas, sostengudas per de lèits de caravenas. Quand plau, raja un pauc d’en pertot. Mestrejan la situacion en fasent prene las gotièras dins de bassinas, de cassòlas e mai de pissadors. Es musical. Es plasent. Sem pr'aquò dins nòstre ostal.
Photographie Robert Anguille: Pascal Marie et Marguerite

La retirada es un mot que se connais pas per los que vivan del travalh de la terra. Los membres d’una  familha vivon dins lo metèis ostal ont son amassadas tres generacions. Las pensions de retirada existisson pas, cal ben que los mejans d’existencia de las personas annadidas  siaguen fornidas per las joves generacions. Coma volon pas èstre una carga trop pesuga per lors enfants, lo pepin e la menina los ajudan tant que n’an la fòrça. Cotel a empeutar totjorn a la pòcha, Pascal  planta pertot d’arbres fruchièrs ; una incresable varietat de fruchas naissan de son eime. D’aquel gratacuol, al bord de la vinha, vos fa un rosièr que las flors eneiran un parfum sins parelh e qu’ avertis d’una possible atac de mildio, per çò que la fuelha dal rosièr es mai sensibla a n’aquela malautià que la de la vinha ; çò que permets de far un tractament preventiu al sofre.Totjorn dreit al primier cant dal pol, los jorns d’estiu, tant que lo solelh es pas rogenc, s’en va asagar ambe la posaranca, un aparelh a bascula que el mesme a fait, lo pichòt ortet qu’es pròche de la riviera. En dintrant a l’ostal, ranqueja un pauc en remembrança d’una fractura anciana, porta sus l’espatla un faichet de boès sec per caufar lo topin. Quand lo temps es a la plueja o a la frejor, se tracha d'afustar de paissels, de petassar lo colar dal  chaval, de cambiar lo barrancon d’una cadièra. Menusièr amator, fabrica o petassa qualque moble rustic, installa qualque buc ont fara venir  d’abelhas dont amassara lo mèl.
 Maria petaça la farda, fa coire la sopa, se mainara de la cabra, neteja lo clapier e pessa los lapins e las galinas, esclaris las fuelhas de las vinhas lo mes de jun, seguis las vendemias dusca a mai de quatre-vints ans, fa la bugada cada mes, dins un grand bugadier, ambe las cendres amassadas sus la placa de la chiminiera, avans de refrescar a la rivièra, a còps de basel, la farda espandida aprèp còp sus l’erba flairosa d’un canton de prat salvatge. Lo soèr, carreja cap a l’ostal, sus la pichòta bariòta que Pascal a fargada, un sacat d’erba per apasturar los lapins e, pel sopar en familha, de salada salvatja amarganta que purifica lo sang.


Photographie Robert Anguille : Marie

 An plan e totjorn travalhat, mas conéissan pas una  autre biais de viure. Per eles èra atal, dempuèi totjorn. Segur, avian sofèrt de dolors sans èstre plan annadits. Son estats malauts, jamai gravament. Avián agudas de gripas ordinarias, sonhadas ambe força  cataplasmes a la farina de lin. Qualques còps de bronchitas, tractades ambe de ventosas e de tintura d’iode; per las congestions avián recors a las sangsugas.Lo medecin èra cridat solament per los cas graves; la securitat sociala existava pas. El, mandava sa nota a la fin dal mes e tolerava qualques retards de pagament. I avià dins lo vilatge o a l’entorn, d’adobaires, e i avián recors per las estòrsas, lo mal d’esquina, per esconjurar lo fuòc, sonhar las rojors suspèctas, las picuras de bestiòlas, garir d’un ardiòl o dal batedis e faire partir las verugas. Quand una dent gastada fasià mal, ensajavan d’endormir lo nèrvi ambe un tampon de coton idrophile banhat d’aigardent, una aiga de vida jos produch de la vinhificacion. Quand se descausava al punt d’èstre dobligat de s’en separar, l’arrancavan en s’ajudant d’un fial fort que tiravan d’un còp brusc. Pascal e Maria an pas jamais saput ço qu’èra un dentista. Per  solatjar las dolors agudas e duradissas, engolisson, barrejadas ambe un pauc d’aiga, qualquas gotas de laudanum, un estrech de paparri. Quand qualqu'un s’en anava a l’òspital savián que s'en tornarià pas vivent.
 En aqueles temps plan durs , ont èra pas possible d’ arrestar de travalhar senon per se se quitava la vida sense quitar son ostal.
Lo sort volguèt que Pascal, nascut dins lo leit de sa maire, s’atudèsse dins la natura, un endreit a l’escart dal vilatge ont anava per necessitat. Un quart d’ora avant, avià rassegat de boès per emplenar lo fornet. Anava cap a los quatre-vints- un ans. Maria, nascuda defòra, es trespassada dins son leit, ont una michanta gripa la clavava dempuèi qualques jorns; aviá entemenada sa nonantièma annada. Avián enfin conescut  lo bonur e partejat totes dos ensems e dins la discrecion  lo contentament d’aver una chiminièra e un pauc de terra a gratar per li arrancar tot just de que viure ; per ce que  an viscut al cor de la natura, dins una espéça de simbiòsi ambe tot ço que respira, tot ço que naich, que creis, que s’anosits e morits, an passat lo temps de lor vielhum sens exprimir de crenta e se son aprestats a la partença dins una granda serenitat d’esperit. Son mòrts dreits, coma morissián alavetz los gents los pus solides.
 Al moment ont se clava aquela vista sus un passat de fait pas plan ancian mas plan diferent de nòstre present, nos podèm pausar la question : es possible de veire objectivament ièr ambe los uèlhs de uèi ? Es pauc probable. Aurai pasmens ensajat de vos raportar l’istoria d’una vida vidanta, dins tota la dimension umana e sentimentala de las causas.

 Robèrt de l’Anguilou

Photo collect Robert Anguille : Ribaute Marguerite Fournier 1907

Ribaute, la dernière maison.

 Ribaute, perché sur la rive droite de l'Orbieu dont les débordements limoneux apportent une richesse exceptionnelle, est un pays riant. Pascal est bien considéré par son nouvel employeur, un homme âgé qui passe peu à peu la main à son fils, lui-même régisseur d’un domaine dans les Pyrénées- Orientales. La vie continue. Marie va dans les vignes. Marguerite aussi mais elle apprend également le métier de couturière.
Dans le nouveau ramonettage, pour atteindre la cuisine il faut  traverser une vaste pièce, la remise, dont le sol est de terre battue. Charrette, tombereau et charrues y sont rangés, il s’y trouve aussi l'écurie. L'odeur du cheval et de sa litière règne dans toute la maison. Ce n'est pas un cas particulier, il faut s’y faire.
Vers la Saint-Michel de l'an 1914, l'ancien maître  arrive un jour accompagné de son épouse pour persuader Pascal et Marie de revenir à Camplong. Mais la France est en guerre. Pascal, maintenant âgé de 52 ans, ne peut pas laisser son employeur, dont le fils est parti se battre, se débrouiller tout seul. On restera donc à Ribaute. Et pour toujours.


Photo collect R.Anguille:  M.Fournier sur la carriole 1914

Un peu plus tard, la guerre finie, le vieux maître cèdera à son ramonet quelques petites parcelles plantées en vigne. Et, au moment où Pascal, la soixantaine largement passée, envisage de prendre sa retraite, il lui vendra une vieille maison. La toiture est faite de tuiles posées sur des planches bouvetées soutenues par des lits de roseaux. Quant il pleut ça coule un peu de partout. On maîtrise tant bien que mal la situation en piégeant les fuites d'eau dans des bassines, des casseroles et même des pots de chambre. C'est musical. C'est rigolo. On est quand même dans sa maison.
  La retraite, c'est un mot encore ignoré de ceux qui vivent du travail de la terre. Les membres d'une famille occupent souvent la même maison où cohabitent alors trois générations. Les pensions de retraite n'existent pas; il faut bien que les moyens d'existence des personnes âgées soient fournis par les jeunes générations. Comme ils ne veulent pas être une charge trop lourde pour leurs enfants, le grand-père et la grand-mère se rendront utiles tant que leurs forces le leur permettront. Couteau à greffer toujours en poche, Pascal plante des arbres fruitiers partout où il voit une place à occuper. Une incroyable variété de fruits nait de son génie. Il greffe à tour de bras. Et de ce gratte-cul, au bord de la vigne, il va vous faire un rosier dont les fleurs exhalent un parfum sans pareil et qui prévient d'une prochaine attaque d'oïdium, la feuille du rosier étant plus sensible que celle de la vigne à cette maladie, d'où la possibilité d'effectuer un traitement préventif au soufre. Toujours debout au premier chant du coq, les jours d’été, avant que le soleil ne soit trop ardent, il s’en va arroser avec la chadouf, appareil à bascule qu’il a lui-même fabriqué, le petit jardin situé près de la rivière. En rentrant à la maison, claudicant un peu en souvenir d’une fracture ancienne, il ramène sur son épaule un fagot de bois sec pour alimenter le feu. Les jours de mauvais temps, il s’occupera en appointant des tuteurs, rapiéçant le collier du cheval, remplaçant le barreau cassé d’une chaise. Menuisier amateur, il fabriquera ou réparera de petits meubles rustiques et aussi quelques ruches où il élèvera des abeilles dont il récoltera le miel.


Photo coll. R.Anguille 1907 la gare de Ribaute


Marie fera du ravaudage, préparera les repas ; se chargera de la chèvre, nettoiera le clapier et donnera a manger aux lapins et aux poules ; ira effeuiller la vigne en juin ; suivra les vendanges jusqu'à plus de quatre-vingts ans ; fera la lessive, tous les mois, dans un grand cuvier, avec les cendres recueillies sur la plaque de la cheminée, et s’en ira rafraîchir à la rivière, à coups de battoir, le linge qu’elle étendra ensuite  sur l’herbe odorante d’un petit lieu propice, à l’abri de tous les vents. Le soir, elle ramènera sur la petite brouette que son mari a fabriquée un plein sac de verdure pour nourrir les lapins et, pour le souper en famille, de la salade sauvage dont l’amertume purifie le sang.
 Ils ont beaucoup et toujours travaillé, mais connaissaient-ils une autre façon de vivre?  Pour eux, c'était ainsi, depuis toujours. Certes, ils ont souffert de douleurs sans être très âgés. Ils ont été malades, jamais gravement. Ils ont eu des grippes banales, soignées à grand renfort de cataplasmes à la farine de lin. Quelquefois des bronchites, traitées avec des ventouses et de la teinture d'iode ;  pour les congestions on avait recours aux sangsues. Le médecin n'était appelé que dans les cas graves : la sécu n'existait pas. Lui, le toubib, il n’envoyait sa note qu’à la fin du mois et tolérait des retards de paiement. Il y avait dans le village ou ses environs, des rebouteux, des guérisseurs et des guérisseuses qu’on allait trouver pour les entorses, le mal de dos, pour conjurer le feu, soigner les rougeurs suspectes, les piqûres d’insectes, guérir d’un orgelet ou du panaris et faire tomber les verrues. Quand une dent cariée faisait mal, on essayait d'endormir le nerf avec un petit tampon de coton hydrophile imbibé de trois-six, une eau de vie sous-produit de la vinification. Si elle se déchaussait au point de rendre la séparation inéluctable on se débrouillait en famille ou, dans les cas peu compliqués, sans l'aide de personne. Pour lutter contre les douleurs aigües et persistantes on avalait, diluées dans un peu d’eau, quelques gouttes de Laudanum, un extrait de pavot. Lorsque quelqu’un partait pour l’hôpital on savait qu’il n’en reviendrait pas vivant.
Dans ces temps très durs, où il n’était guère possible d’arrêter de travailler sinon pour reprendre des forces, où on ne disait pas « se reposer » mais « se défatiguer », en occitan « sé descansar », dans ces temps-là on quittait la vie sans quitter sa maison.
Le hasard a voulu que Pascal, qui était né dans le lit de sa mère, s’éteigne dans la nature, un coin à l’écart du village où l’on se rendait par nécessité. A peine un quart d'heure avant il avait scié du bois pour alimenter le poêle. Il allait sur ses quatre-vingt-un ans. Marie, qui était née dehors, s’est éteinte dans son lit où une méchante grippe la clouait depuis quelques jours ; elle avait entamé sa quatre-vingt-dixième année.
 Ayant enfin connu le bonheur et partagé, tous les deux ensemble et dans la discrétion, la satisfaction de posséder une cheminée et un peu de terre à gratter pour lui arracher tout juste de quoi vivre ; par ce qu'ils ont vécu au cœur de la nature, dans une sorte de symbiose avec tout ce qui respire, tout ce qui nait, qui grandit, qui s’étiole et qui meurt, ils ont vécu le temps de leur vieillesse sans exprimer de crainte ; ils se sont préparés au départ dans une grande sérénité d'esprit. Et ils sont morts debout, comme mouraient dans ces  temps-là les gens les plus solides de leur génération.
Au moment où se clôt ce regard sur un passé, en fait pas très ancien mais bien différent de notre présent, on peut se poser la question : est-il possible de voir objectivement hier avec des yeux d’aujourd’hui ? C’est peu probable. J’aurai néanmoins essayé de rapporter l’histoire d’une vie concrète, dans toute la dimension humaine et sentimentale des choses.


Robert Anguille



mercredi 10 février 2016

Travaux à la Barbacane du Château en images



Après la structure créée l'an passé, de grands travaux on été entrepris dans la Barbacane du Château. Les ouvriers que l'on peut féliciter pour la qualité de la tâche effectuée, ont travaillé sans relâche, une tente ayant été dressée pour les protéger de la pluie. le résultat est du plus bel effet.
















mardi 9 février 2016

Pascal et Marie leurs enfants Paul et Marguerite



Ecole de Camplong 1903

Photo collect  Robert Anguille

A Camplong lo cople a dos enfants, Paul e Margarida ; un autré, nascut entre eles, a pas viscut. Qualquas jouventes mairés d’al vilatge qu’abian pas prou de lach per faire tétar lor noirigat, vengueran trapar Maria qu’avia pas d’enfant a alachar. Mai, quand Margarida nasquèt, lo sòrt volut que sa mairé aogé pas de lach per la noiri, alavetz calet plaça la pitchounéta cò d’una noiriça dens lo vilatgé vesin : Fabrezan.
L’emplaigaire d’al cople es un ric propriétaire que posseda seis chavals e ocupa una man d’òbra importenta bailejada per lo régiso.
Qualquas anadas passan. Coma s’es avisat que Pascal aima saniquejar dens los temps morts que conòissan las activitats sasoniéras, lo mestre li fa fairé de menuts travalhs sus los otises de l’esploitacio a fin d’économisar lo recors a un menestral. Quand un chaval devengut trop vielh partis per l’abatoer, es a Pascal que révent de despolinar lo que le remplaça, de l’habituar al mors e a la brida, al port dal cola et dal arnesc, de l’atelar a la carèta. E aco es pas un pichot afa ambé d’animals paorucs qu’an biscut en défora de tota constrencha e per qui l’ôme es una menaça. Es  pas raré qu’a n’aquel jôc se récebié un cop de pè qué, se vos toca al ventre es tojorn mortal.


Photo Ornaisons "le Ramonetage"

Maria, per natura inquièta, vio mal aquela situtio. Alavetz,lo cople decida de quita Camplong per ana viure capa Ornasos, a la bôria de San James.
Curiôsa coïncidencia, lo mestre dals luôcs s’apela como Pascal ; ço que manqua pas d’estona los tres jovents, futurs eretiers dal ben, que s’empresan de verificar la realitat d’aquela incresable rencontre en paosant la questio a Margarida que conferma : mas ô, nos apelan pariu !
Ostal de mestre faïaço castel, cava e estables, l’esploitatio es un pichot ilot de ida al miech d’una mar de vinhas.
Paul a nòu ans e Margarida quatre. Pel moment, va sol a l’escòla, a Ornasos, dos quilometres de marcha a pè. Pren dins una gamela lo repais de miech-jorn que la fornièra li recalfa.
Maria, quand va travalhar per las vinhas, pod pas fairé altramen que de daicha la pichota al leit ambe de que dejunar. Mas d’une còps, s’entorna quand s’es entornadan, s’avisa que las caosas se son pas trop pla passadas. Dins l’aprèp-miègjorn, una vesina se vol pla cargar de survelha l’enfant mejançant un pichot arrengament. Mas un jorn, presa d’un pressentiment, Maria s’entorna a l’ostal et troba sa pichota, tota sola, proché d’un pesquié ont gafolhan de tirons.
Decunis jorns, quan fa bel tems, Margarita es instalada dins la cor de la ferma sus sa cadièreta. Fa de cadeneta embé un fial de lana et una baobina voidada de sò fial, ò tambes s’ensaja al canevas. Dins aquela còr, mas davant l’hôstal dal mestre, Madama, entre se appelada «  la patrona », fa de tapissarie. L’adulta e l’enfant son séitas a qualques passes l’una de l’autra, silenciosas. Alavetz, Margarita, en desplaçan son séti petit a petit se sarra capa l’adulta fins que s’en trova tot protché. Aquela dits  parés, mas Margarita, d’al canto dél uelh, véi pla qué soris. E, dal cop, los rolles son d’una certéna faiso capbirats, perce que, de fach, s la femna dal mestre que se trova en carga de l’enfant dal vailet. Que, de passa, s’apela como ela.
A cinq ans, la pitchota va a l’escola, ambé so frairé. Totjorn a Ornasos, e totjorn a pé.
Lo dimenge, tot lo mondé, mestres e vailets, se trapan dens la capéla del castel per la messa. Es lo curat de Névian que oficia. Madama es en desacôrd embé lo d’Ornasos. Doncas Paul, que prépara la comunio solanela, s’en va cada dijos al cors de cathéchisme de Névian, distan de cinq kilomestres, munit d’un bròc per rambar los gosses errants.
Maria a pla paur per sos enfants. Regreta lo vilatgé, ont se trova mai de comoditas e ont se pod comtar sus los vésis.


Photo Mairie Camplong

En 1903, lo cople dédida doncas de tornar a Camplong. E aqui es la tranquilitat retrobada, tan per los parents qué per los enfants que podon reçaopre a l’escola publica un enségnament de qualitat donat per un cople de mestres. En defora de la horas d’escola, monsen enségna lo solfeje a sos escolans, e tanbés a jogar d’un estrument de musica. Atal naich una fanfara ont los enfants portan unifôrme et casqueta ; perdurara pesque, dévinguts adults, fòrça d’entéles contunharan de jogar dens las festas de vilatge.
"Madama" ensenha la cordura a las filhas. Margarida i pren gost e pus tard vendrà cordurièra.
Paul, qu'apresta lo certificat d’estudas, ajuda son paire a deschifrar lo jornal prestat per un vesin. Pascal apren a legir a cinquanta ans passats. Ailàs ! lo filh trespassa a l’atge de tretze ans, victima dal  crop, autrament dit, la difteria. Es mes en terra dins son costume de pichòt musician.

Se compren aisament la pena dals parents, lor refús de la terrible realitat. Ambe Paul s’en es anada l’utilitat d’existir. Viure es devengut  quicom de maquinal. Dins aquel climat d’absencia e d’abandon, Margarita pèrd l’apetis e rebufa tota especia de mangiscla. La decision es presa de la mandar per qualques temps en cò de sa tanta Anna, a Sant Marcèl. Aqui, ambe sos tres cosins, se va tornar faire una santat. Revenguda al sèu ostal, recòbra son escòla e afronta a dotze ans las espròvas  dal  certificat d’estudis que se passan a Lesinhan, cap de canton. Es reçapiuda.

En 1911, l’épidémia de filloxéra que desprofitèt lo vinhòble necessitèt un arrancatge generalizat; la remesa en cultura se farà sus plants americans, mai resistents. La viticultura connais una crisi sens precedent. Los salaris dals obriers agricòlas son  considerablament redusits. A Camplong, los ramonets se meton en cauma. A racacôr, Pascal, que travalha alara en cò d’un mèstre presat, pòt pas faire altrament que de seguir lo moviment. Totes los caumaires son licenciats. A la Sant Miquel, Pascal, Maria e Margarida, annadida de quartorze ans, s’en van a Ribauta, en cò d’un autre emplegaire. Mas ambe la promessa de s’entornar dins dos o tres ans, un còp tombada la febra de l’eveniment, coma lo faran en mai d’autres servicials ...



Photographies collect Robert Anguille


A Camplong le couple a deux enfants,: Paul et Marguerite ; un autre enfant né entre les deux n'a pas vécu. Certaines jeunes mères du village n'ayant pas assez de lait pour leur nourrisson ont fait appel à Marie qui n'avait plus d'enfant à allaiter. Lorsque Marguerite arriva le sort voulut que sa maman n'ait plus de lait, ce qui l'obligea à trouver à son tour une nourrice pour la petite, dont elle dut se séparer car  cette mère nourricière habitait au village voisin, Fabrezan.
 L’employeur du couple est un riche propriétaire qui possède six chevaux et occupe  une main-d'œuvre importante dirigée par le régisseur.
Quelques années passent. S’étant aperçu que Pascal aime bricoler pendant les temps morts que connaissent les activités saisonnières, le maître lui confie de petits travaux sur les instruments de travail afin d’économiser le recours à un artisan. Lorsqu’ un cheval devenu trop vieux s’en va pour l’abattoir, c’est Pascal qui est chargé de dresser le poulain qui le remplace, de l’habituer au mors et à la bride, au port du collier et du harnais, de l’atteler à la charrette. Et ce n’est pas une mince affaire s'agissant d'animaux craintifs qui ont vécu hors de toute contrainte et pour lesquels l’homme est une menace. Il n'est pas rare qu'à ce jeu-là on reçoive un coup de pied qui, s’il vous atteint au  ventre, est toujours mortel.
 Marie, par nature inquiète, vit très mal cette situation. Alors, le couple décide de quitter Camplong pour aller vivre du côté d'Ornaisons, au domaine de Saint- James. Curieuse coïncidence, le maître des lieux porte le même patronyme que Pascal ; ce qui ne manque pas de surprendre les trois adolescents, futurs héritiers du domaine, lesquels se hâtent de vérifier la réalité de cette incroyable rencontre en questionnant la petite Marguerite qui confirme : mais oui, nous nous appelons pareil !
Maison de maître aux allures de château, cave et écuries, logements des ouvriers, l'exploitation est un petit îlot de vie au milieu d'un océan de vignes.
Paul a neuf ans et Marguerite quatre. Pour le moment, lui seul va à l'école, à Ornaisons, deux kilomètres de marche à pied. Il emporte dans une gamelle le repas de midi, que la boulangère lui réchauffe.
Marie, lorsqu'elle va travailler dans les vignes le matin n'a pas d'autre solution que de laisser la petite au lit avec de quoi déjeuner. Mais des fois, en rentrant du travail elle s’aperçoit que les choses ne se sont pas très bien passées. Les après - midi, une voisine veut bien se charger de surveiller l'enfant moyennant un petit arrangement. Mais un jour, saisie d'un pressentiment, Marie retourne à la ferme et trouve sa petite fille, toute seule, sur les bords d'une mare ou barbotent des canards.
                        
Certains jours, quand il fait beau, Marguerite est installée dans la cour de la ferme, sur sa petite chaise. Elle fait de la chaînette avec un fil de laine et une bobine vidée de son fil, ou bien  elle s'essaie au canevas. Dans cette cour, mais devant la maison du maître, Madame, entre-soi appelée « la patronne », fait de la tapisserie. L'adulte et l'enfant sont assises à quelques pas l'une de l'autre, silencieuses.  Alors, Marguerite, en déplaçant son siège petit  à petit, va s’approcher de l'adulte jusqu'au moment où elle s’en trouve tout près . Celle-ci reste silencieuse mais Marguerite, du coin de l'œil, voit bien qu'elle sourit. Et là, les rôles sont inversés en quelque sorte car, de fait, c'est l'épouse du maître qui se trouve en charge de la garde de l’enfant du valet. Qui, de surcroît, s’appelle comme elle. 
           A cinq ans, la petite va à l'école, avec son frère. Toujours à Ornaisons, et toujours à pied.
Le dimanche, tout le monde, maîtres et valets, se retrouve dans la chapelle du château pour la messe. C'est le curé de Névian qui officie. Madame n’est pas en très bons termes avec le prêtre d' Ornaisons. Donc, Paul, qui prépare sa communion solennelle, va tous les jeudis au cours de catéchisme de Névian, distant de cinq kilomètres. Avec à la main un solide bâton pour le cas où il rencontrerait un chien errant.

Photo Camplong Hébergement

Marie a très peur pour ses enfants. Elle regrette le village, où il y a plus de commodités et où l'on peut compter sur les voisins. En 1903, le couple décide donc de retourner à  Camplong. Et là c'est la tranquillité retrouvée, tant pour les parents que pour les enfants qui peuvent recevoir à l’école publique un enseignement de qualité dispensé par un couple de maîtres...En dehors des heures de classe, Monsieur apprend le solfège à ses élèves, ainsi qu'à jouer d'un instrument de musique. Ainsi naît une fanfare  où les enfants portent uniforme et casquette. Elle perdurera car, devenus adultes, beaucoup d'entre eux continueront à jouer de leur instrument et à donner des concerts lors des fêtes du village.
Madame enseigne aux filles le canevas et la couture. Marguerite y prend goût et plus tard deviendra couturière.
Paul, qui se prépare au certificat d’études, aide son père à déchiffrer le journal que lui prête un voisin. Pascal apprend à lire à quarante ans passés.
Mais le garçon meurt à l'âge de treize ans, victime du croup, autrement dit, la diphtérie. Il est mis en terre dans son uniforme de petit musicien.
On conçoit aisément la peine des parents, leur refus de la terrible réalité. Avec Paul s’en est allée l’utilité d’exister. Vivre est devenu quelque chose de machinal. Dans ce climat d’absence et d’abandon Marguerite perd l’appétit et repousse toute espèce de nourriture. La décision est prise de l'envoyer pour quelque temps chez sa tante Anna, à Saint-Marcel. Revenue à sa maison, elle retrouve son école et affronte à douze ans les épreuves du Certificat d’Etudes qui se déroulent à Lézignan, chef-lieu de canton. Elle est reçue.
              En 1911, l'épidémie de phylloxéra qui a ravagé le vignoble a conduit à un arrachage généralisé. La remise en culture se fera sur plants américains, plus résistants. La viticulture connaît une crise sans précédent. Les salaires des ouvriers agricoles sont considérablement réduits. A Camplong, les ramonets se mettent en grève. Bien à regret, Pascal, qui travaille alors chez un maître apprécié ne peut faire autrement que de suivre le mouvement. Tous les grévistes sont renvoyés. A la Saint-Michel, Pascal, Marie et Marguerite, qui est âgée de quatorze ans, partent pour Ribaute, chez un autre employeur. Mais avec la promesse de revenir dans deux ou trois ans, une fois tombée la fièvre de l'événement, comme le feront d'ailleurs d'autres domestiques ...