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lundi 29 juillet 2019

la garde et la défense de la cité 3


Texte JP Oppinger

3/ L’organisation de la garde dans la Cité royale

Le régime normal en temps de paix comporte une permanence de jour à chacune des entrées principales et une surveillance de nuit sur la fortification.

Les gardes du jour sont présents en permanence à la porte, de l’ouverture à la fermeture. Ils portent la tenue complète, ceints de l’épée. Ils peuvent déposer leurs casques à portée de main mais doivent garder leur masse d’armes au poignet.
Quand des étrangers arrivent, ils doivent se présenter au corps de garde où ils sont interrogés. Avant de pouvoir entrer, ils doivent décliner leur identité et « donner cognoissance avec qui ils ont à besoigner et laisser le harnois à la porte ».

Pour la garde de nuit, quand toutes les portes sont fermées, la compagnie fournit un contingent journalier de 34 hommes en armes et 4 trompettes. Suivant l’ordre de roulement, chaque sergent est de tour une nuit sur trois, la « tersa neyt ».



Les hommes en service se rendent au lieu de rassemblement quand les cloches sonnent le « premier coup des vêpres ». La troupe rassemblée est divisée en 3 groupes. Le premier comprend 18 hommes de garde à poste fixe et les 4 trompettes, les deux autres, les groupes mobiles, 8 hommes chacun. Les hommes de garde à poste fixe se présentent au rassemblement également en tenue complète, armés de leurs arbalètes garnies et de leurs épées. Les hommes des groupes mobiles portent uniquement leurs épées.
A la tombée du jour quand retentit la sonnerie d’avertissement, le groupe de 18 hommes se répartit sur l’enceinte intérieure (l’extérieure restant inoccupée). En silence, les sergents, 2 par 2, gagnent 9 emplacements fixes sur le rempart, déterminés par le connétable, pendant que chacun des trompettes se dirige vers l’un des points cardinaux. Les 9 sentinelles doubles doivent rester toute la nuit à leur poste fixe sur la muraille et tenir le contact avec les sergents de ronde des groupes mobiles qui passent dans les lices.
Un des groupes mobiles a sa place dans le corps de garde intérieur de la porte Narbonnaise, l’autre dans la loge de l’avant-porte, derrière l’accès qui est, de nos jours, le pont levis. Aux heures ordonnées, 2 hommes du groupe font le tour des lices, 12 tours en hiver, 8 tours en été.
Si les sergents postés sur le chemin de ronde, les serjans dels gaytz, ne répondent pas aux appels que leur adressent les binômes du groupe mobile lors de leur passage, les serjans del stalgayt, ils sont punis le lendemain matin.
Les trompettes se tiennent dans les tours qui leur sont affectées et exécutent à heures fixes les sonneries réglementaires.
Le connétable ou son lieutenant effectuent des contrôles inopinés et punissent de privation de solde tous les manquements de tenue ou d’exécution de service.

A l’intérieur de la Cité, la sécurité est assurée par des patrouilles d’habitants dans les ruelles.

Les portes de la ville sont ouvertes après le rassemblement de la garde descendante par les soins des quatre maîtres-portes.

En 1308, l’évêque Pierre de Rochefort fonde la confrérie de Saint-Louis, à laquelle adhèrent les sergents de la Cité qui se trouvent ainsi « fédérés » pour la première fois. Suite à la demande des sergents adressée à Philippe VI lors d’une visite à Carcassonne, une ordonnance royale stipule en 1335 l’hérédité de l’office en faveur des fils, des frères ou des neveux des sergents décédés à condition toutefois que ces derniers aient les aptitudes nécessaires.
L’instauration du régime successoral entraîne un changement radical de l’attitude de sergents. On voit peu à peu apparaître de véritables dynasties de sergents, ces derniers n’hésitant pas à pénétrer dans le processus des alliances familiales.
Le caractère de perpétuité s’exprimera plus tard, au XVI° siècle, par le vocable « morte-paye », appliqué très improprement aux membres de la milice.

Placé sous les ordres du capitaine gouverneur de la Cité, le corps des mortes-payes continua d’exister jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Cependant, son entretien et son équipement en armes incomba progressivement aux consuls qui, en l’absence du gouverneur, exerçaient le contrôle et la police des gardes. Ceux-ci devaient assurer un service de garde en armes de 24 heures à la Porte Narbonnaise. Ils devaient également être présents lors de cérémonies comme la fête patronales, la messe dominicale ou toute manifestation officielle.
C’est en 1790 que le corps fut dissout et qu’il fut enjoint aux mortes-payes d’incorporer la garde nationale. 

Sources :
- POUX, J. : « La Cité de Carcassonne, Histoire et description, L’épanouissement » tome I, Privat 1931
- BLANC, J et alii : « La Cité de Carcassonne, des Pierres et des hommes », Grancher 1999


mardi 23 juillet 2019

La Garde et la défense de la Cité 2




Texte de JP Oppinger


La garde et la défense de la Cité

2/ Les débuts dans la Cité royale

Les châtellenies des Trencavèl s’éteignent après la prise de la Cité par les Croisés en 1209 ; les estagers du vicomte montrent bien moins d’attachement à leurs nouveaux maîtres, les envahisseurs du Nord.



Blanche de Castille et Louis IX décident donc de créer à Carcassonne une MILICE ROYALE, mercenaire et permanente, de 220 hommes placés sous les ordres d’un connétable (constabularius), domiciliés toute l’année dans la Cité. Les recrues doivent avoir les aptitudes nécessaires pour être « bon arbalestrier, bien tendant et traiant arbalestre, et bien souffisant au dit office ».
Les premiers sergents occupent la tour de la Vade (leur quartier général) dès 1245.

Il semble que, durant tout le XIII° siècle, les recrues originaires des provinces du Nord sont beaucoup plus nombreuses que l’élément local ; les nouveaux maîtres n’ont pas trop de confiance dans la population occitane…

Des mandements royaux de 1286 concernent les nominations à des sergenteries de Carcassonne. Le roi peut pourvoir à une vacance entraînée par la démission ou la mort d’un titulaire ; il peut également destituer un sergent indigne et le remplacer par un homme de son choix.
Les lettres de provision sont établies sous forme de mandement et scellées d’un sceau pendant ; elles sont remises directement au bénéficiaire qui les présente lui-même au sénéchal chargé de les exécuter.
Le plus souvent, les brevets de sergents énoncent expressément l’affectation des titulaires ; parfois cependant, les termes du mandement sont élargis pour faciliter au sénéchal de donner satisfaction à un favori du roi, quelle que soit au même moment la situation des effectifs.
Et il semble que Louis IX surveillait de près l’ordre des mutations. Vers 1254, il avait enjoint au sénéchal de Carcassonne de réserver à son protégé, Senebrun de Darne, la première solde journalière de douze deniers tournoi qui viendrait à être disponible à la Cité. Le sénéchal, ayant omis d’obéir, se vit infliger un sérieux avertissement…

Le connétable tient sa commission du sénéchal agissant comme délégué du roi. Il réunit dans ses attributions l’autorité sur la milice et la haute main sur l’organisation intérieure de la défense, depuis l’entretien des fortifications jusqu’au détail de l’armement et au service des approvisionnements (G. Besse le désigne comme « chef de guerre et capitaine de ville »). Comme « Lieutenant du sénéchal », le connétable participait au gouvernement militaire de la sénéchaussée.

Sous l’autorité du connétable, les sergents d’armes assurent la garde de la Cité. Leurs obligations de service sont finalement définies par un règlement du XIV° siècle dont les dispositions se trouvent dans un mémoire de 1483 (surement influencé par la règlementation des châtellenies).

Ce corps participe aussi aux festivités de la Cité. Durant la fête du Papegay (occitan : perroquet), les sergents participent à un concours de tir à l’arc devant la tour de la Vade. Pour la Saint-Louis (25 août), les mortes-payes assistent à la messe en l’église Saint-Sernin et reçoivent leur solde devant la tour du Tréseau.



« Les mortes-payes »              

La fête du Papegay et une procession où l’on distingue les mortes-payes en armes juste derrière l’évêque.


Viollet le Duc, qui a visé cette époque dans sa restauration, nous donne, dans son élan romantique de faire ici aussi le maximum, un nombre des « hommes strictement nécessaires pour défendre la Cité » de 1323 (détails voire Viollet le Duc « La Cité de Carcassonne », Bélisane 2004, p.74 ; il attribue déjà 20 hommes à chaque tour).  En temps de crise, le roi devait envoyer les renforts nécessaires, comme il l’avait fait en 1240. Il fallait bien les hommes pour servir les tours des deux enceintes, les barbacanes, les courtines, les portes et l’enceinte du château.




dimanche 21 juillet 2019

Garde et défense de la Cité


Texte de JP Oppinger


Mais comment étaient organisées la garde et la défense de la Cité ?
1/ Du temps de la dynastie Trencavèl



En 1124, Bernat Aton IV Trencavèl réussit à se rendre définitivement maître de Carcassonne.
Il réorganise la défense de la Cité avec un Corps de Châtelains où il a remplacé les aristocrates locaux qui s’étaient révoltés contre lui par des hommes fidèles, capables de lui donner conseil et soutien. Ces vassaux constituent le noyau de la cour de Bernard Aton et de ses successeurs.

La Cité compte seize châtellenies liées les unes aux autres sur tout le développement de l’enceinte gallo-romaine qui forment autant de vertèbres de la défense.



Le châtelain, baron vassal, est assujetti à l’estaga (vient de l’estatga : séjour, permanence) qui comprend deux catégories d’obligations militaires.
La première est le devoir d’assurer dans son district et à la tête de ses hommes, la permanence du service de garde et de guet, concourir, au besoin, à la défense générale de la Cité et de ses faubourgs.
La deuxième concerne un engagement formel de résidence. Le châtelain doit occuper la maison d’habitation qui dépend de son office, pendant une durée qui n’est jamais inférieur au tiers de l’année. Il doit y résider en personne, entouré de ses familiers. Son temps normal de séjour varie, suivant l’importance de sa châtellenie pour la défense, du terme de base de 4 mois jusqu’à un terme de 12 mois consécutifs.

A la châtellenie est attaché l’attribution d’un fief (bien, droit ou revenu qu’un vassal tient de son seigneur). Ce fief se décompose en deux parts, situées l’une à l’intérieur, l’autre hors des murs de la Cité. La part intérieure embrasse un secteur de front de fortification avec une tour principale qui est l’emblème de l’office et qui sert de donjon à une maison d’habitation édifiée dans le voisinage de la muraille. La part extérieure du fief comprend une dotation territoriale, tirée de la redistribution des biens des insurgés. Les premiers qui furent pourvus de cet emploi et qui jouirent des privilèges sont :
Pierre de Lauran, Arnaud Pelapouil, NIchole, Bernard Pons, Pierre de Calengs, Guillaume Calmet, Pierre Pelapouil, Roger de Pennautier, Bernard de Canet, Guillaume Roger.

Le châtelain est investi par le vicomte dans la forme solennelle du contrat féodal de l’époque, documenté dans des chartes successives. La jouissance du patrimoine noble qui lui est dévolu n’est limitée que par le droit d’intervention du suzerain, en matière d’aliénation.
Le baron vassal ne peut vendre ou engager sa terre sans l’assentiment du vicomte. Par réciprocité, le caractère héréditaire de la tenure protège le bénéficiaire loyal contre le caprice du suzerain qui pourrait être tenté de reprendre le fief sans raison.

En recevant l’investiture, le châtelain prête serment de fidélité : il jure de respecter et de défendre la personne du vicomte ainsi celle de la vicomtesse et des héritiers de la dynastie.

Retenons bien : la châtellenie du XII° siècle est un office militaire noble.